dimanche 14 octobre 2007

Vienne la Nuit, Sonne l'Heure [Story]



Vienne la Nuit, sonne l’Heure…


Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

Guillaume Apollinaire

Ici, les draps sont d’un blanc immaculés. Tout comme le reste d’ailleurs. La tapisserie est blanche, le plafond est blanc, les rideaux sont blancs, le sol est blanc et la lumière est blanche… Cela semble curieux qu’un endroit où meurt tant de gens soit colorée de cette manière. C’est un peu trop pur pour être vrai.

Benoît se retourne dans ses couvertures. La nausée qui le guette depuis deux heures l’a enfin rattrapé. Il sait qu’il ne tardera pas à appeler une infirmière pour que celle-ci l’aide à aller vomir. Chaque jour, il s’agit du même manège… Il ferme les yeux. Il ne déteste même plus l’hôpital comme lors des premiers jours. Il a fini par prendre conscience qu’il ne pouvait guère plus se passer des médecins et des infirmières. De plus, il sait qu’il ne serait qu’une charge pour sa famille…

Une charge, un poids… C’est précisément ce qu’il ne veut éviter de devenir. Mais comment peut-il en être autrement ? Le Cancer l’affaiblit, à un tel point qu’il ne peut réaliser les menues actions de tout les jours sans une aide. Ne pas pouvoir aller aux toilettes seul. N’est ce pas affreux pour un garçon de 12 ans ? Au début Benoît en éprouvait une certaine honte, mais à présent il est bien au dessus de tout cela. Il se contente de prendre l’aide qu’on lui apporte, sans autre arrière pensée que d’être le plus complaisant possible.

Benoît se redresse dans son lit, grimaçant légèrement. Il respire profondément deux ou trois fois. Contrairement à ce que ses parents pensent, Benoît est parfaitement conscient de la gravité de son état. Seulement, il préfère faire semblant d’être insouciant. Il sait au fond de lui que de montrer trop de gravité dans son comportement ne serait pas bon. Ses parents —en particulier sa mère- ne le supporteraient pas.

Avant, Benoît recevait la visite de ses amis, de temps à autre. Ses visites, qui lui permettait de s’ouvrir encore au monde extérieur, s’espacèrent considérablement, pour finir par ne plus avoir lieu. Le jeune garçon a compris que ses camarades ne savaient comment réagir devant la situation et avaient préféré la fuite. Benoît ne leur en voulait pas. C’était comme ça, c’est tout.

Une toux rauque sortie de sa gorge. Benoît se plia en deux, la respiration courte et sifflante. Après quelques minutes, il peut respirer de nouveau plus librement. Il sait qu’il va mourir. Mais sa mort prochaine ne l’effraie pas. Il lui arrive de songer à elle, avec soulagement. Son traitement ne le sauvera pas, il le sait.

Curieusement, Benoît ne ressent pas l’injustice de la situation. Pourquoi lui après tout ? Il ne se pose pas cette question. C’est arrivé, c’est tout. Maintenant, il n’attend guère plus qu’une chose : la délivrance.

L’adolescent ferme un instant les yeux, las. Dehors, le tonnerre se fait entendre, mais Benoît ne montre aucun sursaut. Il ouvre les yeux de nouveau et fixe le ciel qu’il voit à travers sa fenêtre. La nuit est tombée. Encore une journée de passée… Une de plus.

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

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